Dans notre pratique, dans notre présence, dans notre attention flottante, il y a des mouvements, des mots, des traits qui vous interpellent ou vous offrent la matière indispensable pour nourrir l'accompagnement. Ces moments peuvent être puissants, peuvent être vertigineux, ou peuvent vous conforter dans le déroulement de la relation thérapeutique.
Je n'ai pas à surenchérir ces moments là en tant qu'art-thérapeute en vis à vis avec la personne. Ces moments là je les mets dans les tiroirs de mon accompagnement et les utilise comme éléments d'analyse parmi d'autres. Et si ils me touchent comme un élément de contre transfert avec lequel je dois faire avec dans mon intime, et me débrouiller par diverses subterfuges (comme écrire ce journal blog?), je n'ai pas à impliquer la personne qui a affaire avec ses symptômes à elle.
J'écris cela parce que cet après-midi j'ai rencontré un enfant. Cet enfant participé à un atelier que je présenterai comme un atelier de médiation artistique (même si il n'est pas reconnu comme tel dans la structure). Je proposais un travail de collage autour de « ce que j'aime ». Dans la proposition de diverses magazines, l'enfant en question me proposa comme illustration à découper l'image d'un renard en gros plan les yeux fermés, allongé dans l'herbe. Il me dit avec un visage joyeux « j'aime bien cette photo parce qu'on dirait qu'il est mort. Mais il est malin il fait semblant d'être mort mais il est toujours vivant ». Cet enfant a perdu sa maman il y a 3 ans avec à la suite une année d'une grosse tristesse intérieure. Ce petit résumait peut-être finalement son parcours vers sa propre poésie intérieure par rapport à son vécu. Et si mes interprétations personnelles (non verbalisables directement par l'art-thérapeute rappelons-le auprès de la personne) demandent à être questionnées, confortées, éclairées, cette réplique m'a renvoyé aussitôt sur ce parcours poétique de son auteur. Je me suis caché derrière un sourire en lui proposant de le coller sur son support (un cœur en carton). Mais ce moment m'a parlé de lui, et a apporté toute mon attention. Si nous étions en suivi art-thérapie, ce moment aurait été certainement un élément important dans l'accompagnement. Nous ne sommes pas en art-thérapie mais il n'en n'est pas moins sûr que ce moment reste quelque part en moi. Serions-nous condamner, en tant qu'art-thérapeute, à être constamment bousculer, interpeller par l'autre même en dehors de nos séances individuelles planifiées, cadrées ? Une condamnation finalement porteuse d'attention aux autres ? Si l'on a choisi cette voies, il y a forcement une raison, une sublimation quelconque pour trouver à notre tour la poésie de notre vie.