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l'instant de vie

L'éphémère impulse la vie...


Récemment j'ai dû mener un travail sur le thème de l’éphémère et je dois dire que j'ai découvert toute la portée de ce terme souvent perçu comme angoissant oubliant au contraire son énergie et sa poésie. l’éphémère ne se résume pas à la fin, la mélancolie, le deuil...

d'emblée j'étais parti sur cette idée de confondre l'éphémère et la souffrance du deuil. La souffrance du deuil est liée à un dur travail de deuil. A aimer (nous avons une forte capacité à aimer), nous avons du mal à dépasser l'absence subie qui captait notre potentiel d'amour devenu sans finalité. Ceci nous procure une très grande douleur. Cette souffrance est profonde, elle demande un travail psychique sur soi mais arrive au fil du temps à s'estomper (faire place à l’éphémère dans le deuil même !).

L'éphémère n'est donc pas la source de souffrance mais l’éphémère peut justement donner du sens pour comprendre et surpasser cette souffrance. Freud écrivait « le prix de l’éphémère est celui d'une chose extraordinaire dans le cours du temps. La limitation d'une possibilité de jouissance* en augmente le prix. »

La force de l’éphémère c'est de nous mettre dans une temporalité et d'éviter de nous perdre dans un « temps (déjà) mort ». Si notre inconscient* est lui atemporel et se fout de notre historicité le travail psychique lui a besoin de la temporalité pour nous permettre d'avancer et d'être ce que nous sommes : humain en mouvement et en action. Sans éphémère, point de passé, de présent, de futur. Pas de rupture, de variation, de renouveau. Quel serait la vie si tout était constamment mélangé sans historicité. Constamment nous entassons nos expériences et par étapes notre travail psychique fait le tri pour avancer. Prenons l'adolescence. Elle n'est pas une continuité de l'enfance mais une phase de relecture de tout ce qui se finit et tout ce qui est en train de se transformer en soi. De ce renouveau il faut en donner un sens. L’éphémère nous y pousse pour que notre histoire poursuit son cheminement. Regarder la beauté d'une fleur. Si nous contemplons sa beauté c'est que nous savons qu'elle est placée dans une histoire qui évoluera. C'est ressentir toute la puissance de ce qu'elle est en ce présent, à l'instant présent ici et maintenant, hier elle n'était pas pareil, demain elle ne sera pas identique. Avec l’éphémère nous essayons d'être dans la pleine conscience ou l'instant de vie, nous sommes présent dans notre histoire, nous nous situons à un moment de notre vie où nous réalisons que nous n'accumulons pas uniquement le besoin d'aimer et de chérir (donc confrontation de la perte) mais accueillons sans cesse la variation, le mouvement, et finalement une certaine pulsion de vie.

C'est ainsi que dans l'accompagnement art-thérapie, l’éphémère est nécessaire. Pour resituer la personne dans son historicité (passé, présent, avenir), pour faire naître la variation et le renouveau et donc faire bouger, mettre du mouvement, accueillir du désir et faire avancer.

Comment l’éphémère s'introduit en art-thérapie ?

1 Certains médiums artistiques sont plus sensibles que d'autres à son émergence : le land'art, mais aussi l'encre qui coule et le pastel qui s'estompe. Tout effet avec l'eau qui fait diluer et apparaître des couleurs ou qui imbibe du papier de soie ou crépon jusqu'à le transformer. Les effets de superposition de matière, le sable coloré pour mandala, les médiums avec geste, mouvement, ...

2 Il y a aussi le rythme dans l'atelier (le rite d'accueil, de fin, le temps de la verbalisation).

3 Puis surtout au niveau de la production. La préconisation de rendre éphémère les créations produites pendant la séance c'est :

-offrir à la personne la possibilité d'une répétition mais qui est susceptible d'introduire une variation

-inciter à continuer le processus de création et ne pas être scléroser par un même objet même à compléter. Elle permet de prendre du recul en renouvelant notre pouvoir de création.

-situer l'accompagnement dans un espace temps bien défini sans laisser de trace immuable. L'intime peut s'exprimer librement si l’éphémère règne dans la relation. Aucun propos, aucune production ne seront dévoilés et si le processus est en cours l’éphémère lui procure la confidentialité et la qualité de la relation à un moment T (toute l'intensité du moment présent) et toute la présence de l'art-thérapeute (saisir l'instant furtif).

Le metteur en scène du théâtre contemporain Claude Régy disait : "Nous sommes dans le temps, et le temps s'en va ; nous sommes dans la vie, et la vie s'en va. Et néanmoins nous y sommes... Nous vivons dans le temps – phénomène que par ailleurs, nous ne pouvons pas expliquer... Nous vivons dans la disparition même. Il y a peut-être une vie plus intense dans ce qui est en train d'évoluer, de s'écouler – que dans ce qui est stable. Vivre dans ce qui ne peut être photographié."

L'éphémère se vit pleinement!

* Chez Freud et Lacan, la jouissance n'est pas à prendre comme principe de plaisir mais va au-delà des limites du plaisir jusqu'à la limite de la mort.

*l' inconscient selon Freud est plus ou moins l'ensemble des représentations refoulées par notre moi parce qu'elles sont incompatibles avec les valeurs « morales » de notre surmoi. L'inconscient n'est jamais oublié et se traduit par des symptômes, des actes manqués, des déni, des lapsus, des rêves … nous gouvernant et dont nous n'avons pas le contrôle dés lors que le conscient n'y trouve pas la clé (clé qu'il ne trouvera jamais totalement).

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