Oser la gratitude...
Je ne pensais pas écrire cette bulle d'intervention. Mais finalement depuis hier cela me reste en tête, signe que je devais mettre en mots et laisser trace. En y réfléchissant la gratitude, le merci contribue à enrichir notre joie profonde. Voilà pourquoi je transmets ici.
C'est la quatrième rencontre que nous avons ensemble au service gérontologie longue durée. J'ai déjà posé des mots sur nos rencontres (« Quand l'émotion vient »). Elle m’accueille tout de suite avec le sourire et me dit : « vous savez, je m'en vais samedi. Je rentre chez moi ! ».
« Mais voilà une bonne nouvelle ! C'est formidable ». « Oui ! Enfin je crois. Il va falloir se réhabituer aux gestes quotidiens. A 88 ans, cela met plus de temps. » « Tu as tout ton temps, tu t'es organisée j'en suis sûr ». « Oui j'ai appelé pour les repas, et pour un peu de ménage. Et puis il y a ma fille pas loin ». Puis elle rajoute : « Mais je voulais vous dire un grand merci pour nos rencontres. Non mais c'est vrai. » « Mais c'est moi qui te dit merci. Bon alors garde ton sourire pour nourrir ta lumière. Profite de chaque bon moment, tu pourras te les remémorer ». « A chaque fois que vous veniez, après je réfléchissais à ce qu'on avait dit. Vous avez beaucoup de mérite pour passer du temps avec nous. Je ne connaissais pas. J'avais jamais vu ça. C'est nouveau. « ici oui c'est nouveau ». « J'ai vraiment apprécié nos rendez-vous. Il ne faut pas des heures de rencontre tous les jours mais votre passage, nos discussions, ça m'a fait du bien ». « Oh merci, ça enrichit ma lumière intérieure ce que tu dis ! ». « C'est pas facile aujourd'hui d'avoir des gens qui prennent du temps pour aller vers les autres. Vous êtes très humain. Même pour moi c'est pas facile. J'ai une voisine chez moi, cela fait dix ans qu'on vit côte à côte et on ne se parle pas. Je n'ose pas car j'ai peur qu'elle croit que je fais ça pour lui demander un service ». « Alors OSE ! » « c'est pas facile depuis des années que c'est comme ça. J'ai connu le temps des veillées quand le voisin venait au soir discuter avec mes parents à la maison. Petite fille j'aimais bien ça mais je n'en prenais pas conscience. » « Alors ose ! ». « Je vais y réfléchir. Vous c'est important ce que vous faites, surtout aujourd'hui ». « Oui c'est important ». Elle reçoit un appel. Je lui dis que je repasse après. Quelques minutes plus tard je reviens vers elle. « Excusez-moi c'était pour le ménage. Bon c'est pas simple pour trouver des heures mais en me^me temps il faut pas se laisser faire sinon… Revenons à nous. Alors encore merci. Ca m'a fait beaucoup réfléchir. Je sais qu'à chaque fois que je reviens ici pour mes prothèses le début de la rééducation est toujours plus long. Je prends plus de temps. Mais une fois que c'est parti, ça va vite ». « Tu as tout ton temps. » « Et bien voilà. On va continuer chacun son chemin ». « Bon chemin à toi. Merci pour tout ce que tu as enrichi en moi. Je savoure ces moments. Garde ton sourire, respire tranquillement, savoure les bons moments chez toi, ça va continuer à nourrir ta joie profonde »… « et puis ose ! ».
Nous nous caressons la main. Je quitte la chambre en la saluant. Aller vers l'autre. Prendre son temps avec l'autre. Savourer la rencontre. Quelle richesse pour notre joie !
« Tout nos tourments sur ce qui nous manque me semblent procéder
du défaut de gratitude pour ce que nous avons. »
Daniel Defoe / Robinson Crusoe
19/12/18